Des chercheurs montrent que les Posidonies font partie des rares plantes capables de prélever l’azote, indispensable à leur croissance, de façon particulièrement efficace. Elles ont développé le même genre de mécanisme de symbiose bactérienne que certaines de leurs cousines terrestres.


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    L'azoteazote (N2) est un véritable casse-tête pour la plupart des plantes terrestres : c'est un élément essentiel dont elles ont besoin en quantité pour fabriquer des acides aminésacides aminés, puis des protéinesprotéines ou encore de l'ADNADN. Or elles sont, pour la plupart, incapables de le prélever dans l'atmosphère où il est pourtant disponible en grande quantité. C'est la raison pour laquelle on amende les sols en fumier et autres engrais azotés de synthèse.

    Mais il y a de très rares exceptions dont les Fabacées (ou légumineuseslégumineuses) comme les pois, le sojasoja ou les haricots : environ 20.000 espèces sur les quelque 400.000 plantes à fleurs ont développé un savant mécanisme d'échange -- on parle de symbiose mutualiste -- avec des bactériesbactéries du sol, seuls organismes capables de fixer l'azote : les bactéries fixent l'azote de l'airair et le transforment en ammonium (NH4+) qu'elles cèdent à la plante qui, en retour, leur fournit des sucressucres dont elles ont besoin comme source d'énergieénergie. Tout cela se passe dans les racines.

    Le  problème est le même pour les plantes à fleurs marines. Sauf que l'on ne fertilise pas la mer (heureusement !). Alors, comment font-elles pour se fournir en azote, notamment dans les milieux pauvres en éléments nutritifs comme la mer Méditerranée ? Wiebke Mohr, chercheur au Max-PlanckPlanck Institute for Marine Microbiology à Brème (Allemagne) et ses collègues démontrent dans une étude publiée dans Nature que le même genre de phénomène se produit dans les racines des Posidonies (Posidonia oceanica), une plante sous-marine protégée pour la richesse des écosystèmes qu'elle forme : lieux de vie, d'alimentation, de nurserie de beaucoup d'espèces marines.

     Les herbiers de Posidonies (<em>Posidonia oceanica</em>) forment des écosystèmes qui sont des lieux de vie, d’alimentation, de nurserie pour nombre d’espèces marines. © Alexey, Adobe Stock
     Les herbiers de Posidonies (Posidonia oceanica) forment des écosystèmes qui sont des lieux de vie, d’alimentation, de nurserie pour nombre d’espèces marines. © Alexey, Adobe Stock

    Une symbiose démontrée et une nouvelle bactérie identifiée

    Si vous avez déjà nagé en Méditerranée avec un masque, vous avez sûrement observé ces longues feuilles vertes en forme de rubans qui tapissent les fonds sableux jusqu'à 25 voire 40 mètres de profondeur. Peut-être les avez-vous prises pour des algues... Malgré la ressemblance, ce sont bel et bien des plantes à fleurs qui se différencient des algues notamment par la présence de racines.

    On supposait depuis longtemps que les Posidonies avaient développé le même genre de solutions « donnant-donnant » avec une bactérie sous-marine. C'est confirmé ! En laboratoire, l'équipe a d'abord observé qu'elles étaient capables d'absorber l'azote gazeux sous forme d'ammonium, ce qui suggérait qu'elles hébergeaient bien une bactérie. En analysant la communauté de bactéries associées à leurs racines, ils ont découvert une espèce inconnue (qu'ils ont baptisée Candidatus Celerinatantimonas neptuna) dont ils ont pu vérifier l'abondance dans les racines grâce à des moyens d'imagerie, notamment de microscopie électronique à balayage (MEBMEB).

    Les bactéries (en rose) qui vivent à l’intérieur de la racine de la Posidonie fixent l’azote (N2) environnant et le transforment en ammonium (NH4+). La plante récupère l’ammonium en échange de sucres qu’elle a produit par photosynthèse. © Wiebke Mohr et al.
    Les bactéries (en rose) qui vivent à l’intérieur de la racine de la Posidonie fixent l’azote (N2) environnant et le transforment en ammonium (NH4+). La plante récupère l’ammonium en échange de sucres qu’elle a produit par photosynthèse. © Wiebke Mohr et al.

    Tout comme certaines bactéries ont pu aider des espèces terrestres pionnières à coloniser des milieux pauvres en azote, les ancêtres de Candidatus C. neptuna ont probablement permis aux plantes à fleurs marines de prospérer (voir figure). Les chercheurs ont ainsi mis en évidence des bactéries apparentées dans plusieurs autres niches écologiques, ses plus proches parents étant dans les marais salants. 

    « Cela laisse supposer que ce mécanisme symbiotique avec la Posidonie ne serait pas unique mais potentiellement généralisable, analyse Pierre-Marc Delaux, chercheur du CNRS au Laboratoire de recherche en sciences végétales de l'université Paul-Sabatier de Toulouse. Ce qui étend grandement la portée de ces résultats. Au-delà, ces travaux montrent à quel point un saut d'innovation (ici la capacité de plantes à former des racines et les laisser coloniser par des micro-organismesmicro-organismes) ouvre un vaste champ de possibles, qui peut se déployer ici ou là, de façon indépendante, sur terreterre comme en mer ! »

    Les fonds sous-marins de la baie de Saint-Raphaël

    La posidonie, le jardin de la MéditerranéeLe mérou, tantôt mâle, tantôt femelleLe spirographe, un ver à panacheLe jardin du DramontDes gorgones rouges étincelantesLa langouste aux longues antennesLa girelle-paon multicoloreL’oursin, le hérisson des mersLa baudroie, spécialiste du camouflageLe poulpe joueurUn bouquet d’anémones jaunesLa grande rascasse rouge, un poisson nocturneLa murène, un serpent-poissonLes clochettes des clavelinesLe Lion de merLa mystérieuse île d’OrLe cantonnement de pêche du cap Roux
    La posidonie, le jardin de la Méditerranée

    La posidonie, ou Posidonia oceanica, tire son nom de Poséidon, dieu grec de la mer. Elle pousse sur les fonds entre la surface et 40 m de profondeur, et forme de vastes herbiers qui constituent l'écosystèmeécosystème majeur de la Méditerranée. Ces herbiers sont un lieu de frai et de « nurserie » pour de nombreuses espècesespèces animales, et représentent une source de nourriture pour d'autres. La posidonie permet aussi de fixer les fonds marins grâce à l'entrelacement de ses rhizomesrhizomes. Ceux-ci s'empilent d'une année sur l'autre, et contribuent à augmenter progressivement le niveau du fond (environ un mètre par siècle). Malheureusement, cette plante est aujourd'hui menacée par la pollution des rivages.

    © Nicolas Barraqué