Alors que bon nombre des dirigeants européens évoquent le passage à une économie de guerre après plus de deux ans de conflit ouvert entre l’Ukraine et la Russie, bon nombre d’observateurs soulignent l’importance de la maîtrise du ciel. Plusieurs nations se sont engagées dans une course technologique afin de construire le chasseur de 5e génération le plus efficace et avancé. 


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    La nature de la guerre est en perpétuel changement, livrée aux évolutions technologiques. Au cours des trente dernières années, l'utilisation de drones est progressivement venue supplanter le déploiement d'avions de chasse en zone de conflit, moins risqués à utiliser et plus économes en ressources. Les armées n'ont toutefois pas renoncé aux chasseurs, et la guerre en Ukraine démontre de l'utilité réelle d'une suprématie aérienne permettant de maintenir un avantage tactique et stratégique. Dans ce contexte, plusieurs avionneurs ont redoublé d'ingéniosité pour créer de nouveaux aéronefsaéronefs, toujours plus performants et adaptés à une époque toujours plus connectée.

    Lockheed Martin : le porte-étendard technologique

    La compagnie américaine Lockheed Martin s'est révélée particulièrement prolifique depuis la fin des années 1990. Elle ouvre le bal des chasseurs de 5e génération avec le F-22 Raptor. Cet appareil aux caractéristiques impressionnantes effectue son premier vol en 1997, pour une mise en service en 2005. Équipé de deux turboréacteursturboréacteurs à postcombustion F119, le F-22 peut atteindre une vitessevitesse maximale de 2.25, soit 2 400 km/h. Son rayon d'action lui permet d'atteindre des cibles situées à environ 1 100 kilomètres. Emportant un canon M61A2, il est équipé de trois soutes à armements capables d'accueillir des missilesmissiles AIM-120 ou AIM-9, ainsi que des bombes guidées JDAM GBU-31. Réputé pour sa maniabilité, le F-22 est aussi particulièrement furtif, notamment grâce à des composants en polymèrepolymère. Le problème de cet avion ultra-performant est son coût. Le Governmental Accountability Office (GAO) des États-Unis estimait le programme à 67 milliards de dollars, avec un coût unitaire de 350 millions par avion.

    Démonstration en vol d’un F-35 lors de l’<em>Oregon International Airshow</em> de 2019. © USAF, Alexander Cook
    Démonstration en vol d’un F-35 lors de l’Oregon International Airshow de 2019. © USAF, Alexander Cook

    En 1993, le gouvernement américain lance le programme Joint Strike Fighter, visant à équiper l'US AirAir Force, l'US Navy et l'US Marine Corps d'un seul et même chasseur. Apparaît alors l'idée du F-35. Ce dernier effectue son premier vol en 2008 mais les premiers exemplaires n'intègrent la chasse américaine qu'en 2015. Le F-35 est propulsé par un seul turboréacteur à postcombustion F135, avec une vitesse maximale de 1 700 km/h, ou Mach 1.6. Armé d'un canon GAU-22, il possède deux soutes et six pylônes d'emport. À l'instar du F-22, il peut s'équiper de bombes JDAM et d'AIM-120 AMRAAM. Le 11 avril, les autorités américaines annonçaient tester un nouveau missile hypersonique, le Mako, qui viendrait agrandir l'arsenal du chasseur. Si le F-22 a vu sa production stoppée à cause des coûts trop élevés, le F-35 est un véritable succès : une vingtaine de pays ont déjà commencé à déployer des unités ou se feront livrer leurs premiers aéronefs de 5e génération au cours des prochaines années.

    Le Su-57 et le Su-75, des rivaux valables ?

    Ils font partie des équipements de nouvelle génération vantés comme invincibles par le gouvernement de Vladimir Poutine depuis 2018. Tous deux manufacturés par Soukhoï, ils possèdent les caractéristiques des chausseurs de 5e génération, à commencer par la furtivitéfurtivité et la capacité d'opérer en terrain contesté avec les contraintes imposées par la guerre électronique. Le Su-57 vole pour la première fois en 2010, mais ce n'est qu'en 2020 qu'il intègre la chasse russe. Particulièrement imposant avec ses 14 mètres d'envergure, il possède deux moteurs AL-41F1, turboréacteurs à postcombustion, provisoirement apposés sur les unités livrées par Soukhoï. Le Su-57 pourrait atteindre la vitesse de pointe de 2 600 km/h (Mach 2.45). Le Su-57 emporte lui aussi une quantité considérable d'équipements, avec un canon GSh-30-1, deux soutes principales et deux auxiliaires et six pylônes extérieurs. Un problème se pose cependant : on ne connaît pas les capacités opérationnelles réelles du Su-57. Supposément déployé au-dessus du ciel ukrainien, de nombreux observateurs s'interrogent sur les caractéristiques de l'appareil, certains doutant même de son aspect furtif.

    Le Su-57 a volé, au cours de démonstrations aériennes chorégraphiées. Il est cependant difficile d’établir ses capacités opérationnelles. © CC BY-SA 4.0, Andrei Shmatko
    Le Su-57 a volé, au cours de démonstrations aériennes chorégraphiées. Il est cependant difficile d’établir ses capacités opérationnelles. © CC BY-SA 4.0, Andrei Shmatko

    Même son de cloche pour le Su-75 « Checkmate », alternative bon marché à laquelle l'Inde devait initialement participer. Le gouvernement de Narendra Modi s'est retiré du programme après quelques années, évoquant un coût trop élevé pour une architecture et une ingénierie dépassée. Le Checkmate devait faire son apparition dans le courant de l'année 2027, mais pour l'heure, peu d'informations sont divulguées par la Russie sur le sujet. Il est fort à parier que le tribut industriel de la guerre en Ukraine et les faibles ventes d'armes de la Russie impactent les velléités technologiques de Moscou...

    Le J-20, un chasseur de 5e génération avec un air de déjà-vu

    La Chine, se positionnant désormais comme la seconde puissance mondiale, ne pouvait manquer le coche concernant la nouvelle génération de chasseurs. Issu du programme J-XX, pensé dans les années 1990, le J-20 fait son vol inaugural en 2011 avant d'être officiellement dévoilé en 2016. Il est mis en service dès l'année suivante. Conçu par la compagnie Chegdu, il est doté de deux turboréacteurs à postcombustion AL-31F M2. Trois soutes sont prévues pour emporter des missiles air-air et air-sol PL-10 et PL-15, avec quatre pylônes complémentaires fixés sur la carlingue. Intégrant un radar AESAAESA à antenne active et plusieurs instruments destinés à la guerre électronique, le J-20 se positionne sur le papier comme un sérieux concurrent au F-35 américain. L'avion chinois possède des caractéristiques très similaires à l'avion de Lockheed, et la propension de la Chine à mener des opérations d’espionnage industriel n'a pas manqué de soulever des interrogations. Le général américain Kenneth Wilsbach, commandant des forces aériennes du Pacifique de 2020 à 2024, indiquait en 2023 que le J-20 ne pouvait en réalité pas rivaliser avec le F-22, de quinze ans son aîné. Le chasseur de 5e génération de Chengdu serait de la poudre aux yeuxyeux ? Rien ne permet d'attester que le J-20 soit pleinement opérationnel et efficace en cas de conflit à grande échelle.

    À l’instar du Su-57, le J-20 est fonctionnel… En théorie. Difficile de déterminer si l’aéronef chinois pourrait concurrencer le très populaire F-35. © CC BY-SA 4.0, Alert5, Wikimedia Commons
    À l’instar du Su-57, le J-20 est fonctionnel… En théorie. Difficile de déterminer si l’aéronef chinois pourrait concurrencer le très populaire F-35. © CC BY-SA 4.0, Alert5, Wikimedia Commons

    Dassault et Airbus sur le pont pour la sixième génération

    Alors que de plus en plus de nations optent pour les chasseurs de 5e génération, trois pays européens ont choisi de développer leur propre appareil, dans un effort conjoint. La France et l'Allemagne décidaient en 2017 de travailler sur le Système aérien de combat du futur (Scaf). Rejoints par l'Espagne, les deux pays ont confié cette lourde tâche à Dassault et Airbus. Le Scaf s'oriente directement vers la 6e génération de chasseurs en proposant une interface portée sur l’interaction avec des nuées de drones une fois en opération, tout en étant capable de mener des opérations de guerre électronique. Les caractéristiques du Scaf sont inconnues et les informations distillées au compte-gouttes. Mais ce chasseur ne devrait pas effectuer son vol test avant 2027, pour une mise en service à l'horizon 2045. L'objectif est de remplacer les Rafales français et les Eurofighters allemands.